Mardi 11 nov. 2025 - BAYEUX ENCHERES - BAYEUX

SUIVEUR DU MAÎTRE DE LA REDENCION, ou de SOPETRAN, CASTILLE VERS 1470

LE CHRIST A LA COLONNE ET UN DONATEUR

Panneau, doublé

39 x 28.4 cm

Restaurations anciennes

Estimation : 15 000 - 20 000 €

ETAT

Le panneau d’origine a été aminci à 3mm d’épaisseur et renforcé sur  toute la surface du revers par un assemblage de planches en chêne moderne de 1cm d’épaisseur.   Surface picturale : soulèvements, usures et restaurations visibles, particulièrement dans le visage et le vêtement du donateur, le manteau du Christ et le long du bord vertical droit. 

Les dimensions relativement restreintes de ce panneau dénué de toute trace matérielle de fixation mais ayant conservé la « barbe » sur son pourtour ainsi que la présence dominante d’un donateur, permettent de considérer ce panneau, totalement inédit, comme une image de dévotion unique. Soutien de la méditation, réceptacle de la prière que le fidèle adresse au personnage sacré dans l’intimité, le panneau de dévotion focalise en un espace réduit un évènement significatif du récit évangélique qu’il isole hors du contexte narratif  contrairement au développement des scènes d’un retable. Sans doute sur l’injonction du donateur, l’auteur de cette représentation éminemment dramatique, isole un moment clé de la Passion et crée un épisode  tout à fait personnel  du déroulement de ce chapitre biblique.

Ce « Christ à la colonne » avatar de l’épisode néotestamentaire de la Flagellation, est un thème qui apparaît en occident au XVe siècle.              

 

 

 La scène se déroule à l’intérieur d’une salle au cadre architectural tronqué dont le sol carrelé, rythmé par plusieurs colonnes, mène vers une ouverture donnant à l’extérieur. Le premier plan offre la vision d’un Christ dont les insignes de la royauté supposée, couronne d’épines et manteau jeté à terre, ont été abolis. Martyr endolori, au corps tuméfié et sanguinolent, la tête et la chevelure en bataille basculant sous l’effet d’une frappe sauvage, martyr qui tente de libérer ses bras entravés à la colonne en une violente torsion et de repousser du pied les verges abandonnées de son supplice, tel est ce Christ que l’artiste a voulu présenter dans l’immédiateté de l’action que les bourreaux viennent d’achever, spectacle pris sur le vif dont le dynamisme contraste avec l’immobilité du donateur en prière.  

Agenouillé et priant devant cette effigie sanglante qu’il vénère, ce dernier est revêtu d’un ample manteau carmin doublé de fourrure, ses proportions  grandeur nature face à la solennité religieuse et sa chevelure noire, épaisse, coiffée « en casque » répondent  à la mode du XVe siècle. Tout comme chez Jan Van Eyck et la Vierge au Chancelier Rolin, 1434-1435 (Louvre) le donateur n’est plus un anonyme représenté en quantité diminuée comme au XIVe siècle, mais apparaît à la même échelle que les personnages sacrés, en un véritable portrait. 

Ce panneau privé de toute référence critique, d’un réalisme patent mettant en exergue  l’expression pathétique et douloureuse du Christ sous la violence des coups reçus, rappelle les œuvres des artistes flamands du XVe sièclequi ont souvent choisi de représenter avec réalisme les scènes de la Passion.

Fréderic Elsig, que nous remercions de son aide généreuse, a proposé de placer cette œuvre inédite dans le courant hispano flamand de Castille. le rapprochant des panneaux d’un retable consacré à la Vierge (Madrid, Museo du Prado, P2576-P2577) (fig. 1) provenant du monastère bénédictin de Santa Maria de Sopetràn près de Guadalajara. Ces panneaux comprenant l’Annonciation, la Nativité, la Mort de la Vierge et le Donateur priant dans son oratoire, ont été peints par le « Maître de Sopetràn » mieux connu actuellement sous la dénomination de « suiveur du Maître de la Redencion » ce dernier, artiste flamand influencé par Roger van der Weyden, étant actif auprès de la famille Mendoza..

Comme dans la scène du donateur priant de Sopetràn, notre panneau s’inscrit dans le  même courant pictural par la perspective montante de la composition indiquée par le carrelage où dominent les verticales des personnages et celles des colonnes cylindriques baignant dans une forte luminosité et par la même expression sérieuse et méditative de l’orant à la stature figée. Son auteur y mêle apaisement et tension, mais accentue le réalisme sculptural du corps du Christ au dessin vigoureux, ainsi que le traitement complexe et anguleux des draperies trahissant un tempérament soumis à une plus forte influence flamande que l’artiste dit « Suiveur du Maitre de la Redencion »( i.e Maître de Sopetran) qui, certes reprend les compositions de Van der Weyden mais  en atténue l’intensité du langage.

Sur la tranche actuelle du tableau, on peut déceler le support du panneau d’origine aminci à 3mm d’épaisseur avant la pose de sa doublure moderne ; de toute évidence il ne s’agit pas d’un bois résineux habituellement utilisé pour les retables espagnols, mais d’un bois dur. Si cette constatation était scientifiquement avérée  ce tableau serait bien l’œuvre d’un flamand.