Vendredi 25 avr. 2025 - BEAUSSANT LEFÈVRE & ASSOCIES - Paris
Quiringh van BREKELENKAM (Zwammerdam 1622/30 – Leyde, après 1669)
Le retour de l'école
Panneau de chêne, deux planches
58 x 51.5 cm
Restaurations anciennes
en chêne sculpté à la coquille, travail français d'époque Louis XV
Estimation : 60 000 - 80 000 €
Provenance :
- Très Probablement une vente chez Frederik Muller à Amsterdam (d'après l'inscription "Muller" au verso d'une ancienne photographie au RKD)
- Très probablement dans la collection d'Eugène Schneider (1805-1875) dans les années 1870, et ne figure pas dans la vente posthume de sa collection d’avril 1876.
- Resté ses descendants à Paris.
Notre tableau est inédit et évoque les plus belles scènes de genre du siècle d’or hollandais.
On y retrouve l’essence même des intérieurs peints au milieu du siècle par Jacobus Vrel, Essias Boursse, Pieter Janssens Elinga. On remarque l’association, de gauche à droite, carreaux de vitre, nature morte, carte, figure, fréquente chez Pieter de Hooch et Johannes Vermeer de Delft.
La composition est structurée géométriquement et rythmiquement par les lignes de plombs des carreaux et le chambranle de la fenêtre, son vantail carré ouvert, le rectangle de la carte au mur, presque abstrait, les axes de fuite donnés par la desserte ou les poutres du plafond. A gauche, l’ouverture filtre la lumière qui tombe sur une nature morte composée d’objets simples et usuels puis se diffuse à droite sur un jeune écolier qui interpelle le spectateur. Il est habillé d’une chemise à col blanc à rabat et porte un chapeau de feutre. Il tient de sa main droite un biscuit, qu’il a pris sur le plat à côté de lui, et de la gauche son cartable. Sa mère porte une robe de laine noire dont on voit dépasser une chemise. Elle est absorbée par le soin qu’elle apporte à sa jeune soeur, penchée sur ses genoux, en ajustant le chignon de sa coiffe. Une ardoise d’école, avec un manche en bois, pend à la ceinture de cette dernière.
La perspective est creusée, à gauche, par la chaise vue de dos, la chaufferette au sol, autant de détails récurrents qu’on peut voir chez Vermeer et Pieter de Hooch [1]. A droite, l’œil découvre une table tripode à piétement croisé sur laquelle est posée une brosse à habits, et encore au-dessus un chapeau masculin et un manteau sont suspendus au mur, suggérant la présence du père. Face au spectateur, une carte est accrochée au mur dont on distingue quelques contours géographiques, peut-être les territoires au nord de l’Europe (on déchiffre les mots : Mare internum ?, peut-être pour la Baltique). C’est une invitation aux voyages qui rappelle la maitrise des mers par les Provinces-Unies.
Il semble qu’en dessous de la carte, on puisse discerner des graffiti, des caricatures faites par les enfants, comme on peut en voir sur le Jeune peintre dans un atelier de Barent Fabritius (musée du Louvre) ou dans les intérieurs d’églises de Pieter Jansz Saenredam et d’Emmanuel de Witte.
Influencé par Gerard Dou, qui fut peut-être son maître à Leyde, Brekelemkan est un peintre des occupations de la classe moyenne, des artisans, savetiers, des cuisinières, des couturières -. Notre panneau peut être comparé aux Soins domestiques, qu’il a signé et daté en 1648, conservé au Stedlijk Musée de Lakenhal de Leyde [2] ou dans ses deux versions différentes de Femme épouillant un jeune garçon, signé et monogrammé vers 1655 (localisation inconnue) [3] ou le même sujet au Kunstmuseum de Bâle [4]. Notre tableau est situé dans une maison cossue bourgeoise, mais il ne s’agit pas dans un intérieur luxueux avec des objets précieux comme chez les « peintres de la manière fine » tels que Gerard Ter Borch, Gabriel Metsu ou Frans van Mieris, Jacob Ochtervelt : on ne trouve ni carreaux, ni pavement de marbre, ni tapis, tenture en cuir, lustre en laiton, ou de cheminée architecturée. Les vêtements restent sobres. La gamme chromatique gris et ocre – très légèrement orangée -, la brosse plus large que chez les fijnchilders (notamment dans l’ouverture sur la cour), les plages de blanc crémeux sont caractéristiques de notre artiste.
Son propriétaire était Eugène Schneider, l'un des plus importants industriels français du XIXe siècle, fondateur du Comité des Forges du Creusot, homme politique de premier plan sous le second Empire, puisqu’il a accédé à la présidence du Corps Législatif. La dispersion de sa collection les 6, 7 et 8 avril 1876 à l’Hôtel Drouot montre une sélection rigoureuse et un goût prononcé pour les peintres hollandais puisque sur les 52 tableaux présentés, 48 appartiennent aux écoles nordiques. Il possédait notamment la paire de portraits du Révérend Johannes Elison et sa femme de Rembrandt (Boston, Museum of fine Arts). Tous les grands noms de la peinture hollandaise sont représentés par des oeuvres de premier plan. Pour les scènes de genres, citons un intérieur de Pieter de Hooch et d'autres tableaux par Gabriel Metsu ou Willem van Mieris.