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Marie-Guillemine BENOIST, née de LAVILLE-LEROULX (Paris 1768 - 1826)

Portrait de Jean-Louis Brousse-Desfaucherets (1742-1808)

Toile (une transposition)

116.5 x 89 cm

Signé et daté en bas à droite "Le Roulx de La Ville / fe Benoist / 1806" ; une étiquette accompagne le tableau : "Portrait appartenant à Madame / Alfred Delalain de : / Monsieur Brousse des Faucherets / par Mme Benoit, mère de M. le Comte / Benoit d'Azy, Vice président de l'assem / blée nationale de 1871 et gd mère d'Au / Justin Cochin / Renseignements tirés de la généalogie de la famille / Nau (1553-1894) imprimés en Aout 1894 sur les presses / de la typographie Delalain - page 112 - Renvoi n° 1 -"

Restaurations anciennes

deuil de la reine

Estimation : 120 000 - 150 000 €

Provenance :
Collection de la nièce du modèle Elisabeth Henriette de La Fortelle, épouse Claude Thomas Nau de Champlouis ;
Collection de sa fille Henriette Madeleine Nau de Champlouis, épouse de l'imprimeur parisien Jacques Augustin Delalain ;
Toujours resté dans la famille du modèle, par descendance.

 

Exposition :
Salon de 1806, n° 23 (Portrait d'Homme).

 

Bibliographie :
Famille Nau (branches masculines et féminines) (1550 à 1894), notice historique et généalogique, Paris, 1894, cité p. 112 note de bas de page ;
M.-J. Ballot, Une élève de David. La Comtesse Benoist, l'Émilie de Demoustier, 1768-1826, Paris, 1914, p. 164, 174, 242, 250 ;
A. Reuter, Marie-Guilhelmine Benoist : Gestaltungsräume einer Künstlerin um 1800, Berlin, 2002, p. 287 no 53 ; 327-338.

 

Marie-Guillemine de Laville-Leroulx, plus connue sous son nom de mariage « Benoist » (elle se marie en 1793), doit sa célébrité à son chef-d’œuvre unanimement admiré, le Portrait d’une femme noire (Toile, 81 x 65 cm; Paris, Musée du Louvre). Elle étudie pendant cinq ans auprès de la célèbre portraitiste de Marie-Antoinette, Élisabeth Vigée Le Brun. A seulement 16 ans, elle expose en 1784 des pastels à l’Exposition de la Jeunesse, à l’angle du Pont-Neuf et de la place Dauphine. Ces expositions permettaient, à des artistes débutants, de montrer et de vendre leurs œuvres au public parisien sans passer par un jury. Madame Vigée Le Brun, devant reconstruire son atelier, adresse sa jeune élève à Jacques-Louis David, qui brave l’infraction au décret royal interdisant aux femmes artistes d’être formées au Louvre. Ainsi, en 1786, elle se représente copiant la première version du Bélisaire de son nouveau professeur dons son Autoportrait copiant le Belisaire et l'enfant à mi-corps de David (Toile, 95,7 x 78,5 cm; Karlsruhe, Staatliche Kunsthalle). 

Bien que la peinture d’histoire fût généralement réservée aux hommes, seuls autorisés à étudier les modèles nus masculins, Marie-Guillemine Benoist participe pour la première fois au Salon de 1791 avec deux sujets montrant son ambition dans le Grand Genre : L’Innocence entre le Vice et la Vertu (Toile, 87 x 115 cm) et Psyché faisant ses adieux à sa famille (Toile, 111 x 145 cm, acquis en 2022 par le Palace of Legion of Honor à San Francisco). Son habileté à s’inscrire dans l’esthétique néoclassique fut si convaincante que certains critiques l’ont soupçonnée de s’être faite aider par David.

En 1803, elle obtient sa première commande officielle, le Portrait du premier consul Napoléon Bonaparte (Toile, 240 x 173 cm), destiné au palais de justice de Gand, suivi de plusieurs œuvres réalisées pour la famille impériale, dont les Portraits d’Élisa Bonaparte (Toile, 214 x 129 cm) et de sa sœur Pauline Borghèse (Toile, 200 x 142 cm), en robe du sacre. En 1804, elle reçoit une médaille récompensant l’ensemble de son travail, ce qui lui permet d’obtenir une bourse qu’elle utilise pour ouvrir une école d’art exclusivement réservée aux femmes. Elle renonce à exposer ses tableaux en public sous la Restauration pour ne pas nuire à l’avancée de la carrière de son époux qui occupe différents postes importants sous Louis XVIII, au gouvernement, puis au Conseil d’Etat.

Notre Portrait du dramaturge Jean-Louis Brousse-Desfaucherets, appartient à l’apogée de sa carrière, six ans après le tableau du Louvre, et deux ans après avoir reçu les commandes impériales. Il tient à la main un parchemin enroulé portant le titre de sa pièce de théâtre la plus célèbre, Le Mariage secret, qui avait été créée en 1786, dont les trois actes relatent les péripéties d’un couple marié en cachette par crainte de l’opposition familiale. Cette comédie bourgeoise rappelle les pièces de Beaumarchais, très prisées sous l’Ancien Régime. D’abord refusée par la Comédie Française, la pièce fut défendue par le comte de Provence et continuera d’être jouée avec succès après la Révolution et sous l’Empire. Député suppléant du tiers état en 1789, Brousse-Desfaucherets est menacé pour ses idées modérées durant la Terreur et abandonne la vie politique jusqu’en 1800, avant de devenir membre du conseil de la censure théâtrale en 1804. Le modèle est assis dans un fauteuil bateau de cabinet, en acajou, de Jacob Frères. Il est vêtu d’une chemise blanche à jabot de mousseline sous un frac noir et un pantalon de velours vert. Par le choix de la pose et la construction visuelle du portrait, Marie-Guillemine Benoist s’inscrit dans la tradition picturale de son maître David, tels que le Portrait de madame de Verninac (Toile, 143 x 110 cm, 1799, Louvre), le Portrait de Cooper Penrose de 1802 (Toile, 130,5 x 97,5 cm, Timken Museum of Art, San Diego). On rapprochera notre toile d’autres portraits masculins de Madame Benoist, où l’élégance du maintien et la douceur de l’expression du modèle s’allient pour offrir une représentation à la fois noble et intime : le Portrait du baron Larrey (Toile, 117 x 89,5 cm, 1804, Toulouse, musée des Augustins), ou le Portrait de Claude-Ignace Brugière, baron de Barante (Toile, 114 x 87 cm, 1805, collection privée). Ils font ressortir de la même façon la figure en la détachant sur un fond uni presque monochrome, réveillé par plusieurs notes colorées, ici le rouge de l’acajou et du ruban du parchemin, le pantalon vert ou le couvre-assise bleu en soie.

Notre toile obtint un grand succès au Salon de 1806. Les critiques sont en majorité favorables, à l’exception d’un seule, et les chroniqueurs ne tarissent pas d’éloges : Frédéric de Clarac dans ses lettres sur le Salon [1], celui du Journal de l'Empire [2] et du Journal de Paris [3], Pierre-Jean-Baptiste Chaussard dans le Pausanias [4] ou encore Achille-Etienne Gigault de Lassalle dans la Gazette de France [5].