Jeudi 22 mai 2025 - STOCKHOLMS AUKTIONSVERK - Stockholm

Jusepe de RIBERA (Jativa 1588 - Naples 1656)

Flagellation du Christ

Toile

125 x 98 cm

Porte un monogramme en bas GR (rapporté).

Restaurations anciennes

Estimation : 300 000 - 500 000 €

Provenance :

Collection Gösta Stenman, Stockholm; son catalogue de 1936 «  66 old Masters » comme Guido Reni ( N° 47 1/2). Le tableau est également dans le catalogue de Gösta Stenman de 1942.


Notre tableau de Ribera est inédit, mais sa composition était déjà connue par des copies dont l’une est conservée dans la collection Escalar à Rome [1].  Nous pouvons le dater vers 1612 / 1616 durant la passionnante période où l'artiste quitte Rome et s’installe à Naples, moment de transition stylistique bien étudié dans l'exposition récente du musée du Petit Palais à Paris « Ribera ténèbres et lumières » [2].

 

La carrière romaine de l’artiste est une redécouverte des vingt-cinq dernières années grâce à l'intégration dans son corpus du groupe d’œuvres jusqu’ici données au maître du Jugement de Salomon. Entre 1605 / 1606 et 1612, Ribera assimile le vocabulaire réaliste révolutionnaire du Caravage dont il accentue la brutalité, s'appropriant l'éclairage par grands flashs de lumières et les larges drapés rouges du maitre lombard et regarde aussi les œuvres de Bartolomeo Manfredi. Le tableau de référence de cette époque entre Rome et ses premiers séjours napolitains est le Saint Pierre et saint Paul, signé et conservé au musée des Beaux-Arts de Strasbourg. A son arrivée à Naples, notre peintre est en contact avec les créations laissées par Caravage dix ans auparavant et qui l'ont confortées dans sa recherche :  les Sept œuvres de Miséricorde (Pio Monte della Misericordia) et la Flagellation (église San Domenico Maggiore), aujourd’hui au musée de Capodimonte.

Ribera donne ici sa propre version de ce sujet, une interprétation à mi-chemin entre le moment où le Christ est battu et quand il est montré à la foule :  l’Ecce Homo [3]. Le tableau le plus proche de notre toile, et auquel on peut le comparer, est le Couronnement d’épines conservé à la fondation Casa de Alba à Séville [4], daté vers 1616-1617. 

D’une composition simple mais parfaite, coupée par une diagonale qui sépare le Christ des deux flagellants, la figure centrale est violemment éclairée par une lumière venant d’une oblique opposée qui frappe le seul Christ. Son expression calme et résignée, emprunte d’une grande humanité, contraste avec les visages agressifs des deux tortionnaires relégués dans l’ombre tandis qu’en bas à droite un personnage à mi-corps vient fermer la composition à angle droit. 

Comme dans la Flagellation du Christ de Caravage (Rouen , musée des Beaux Arts) le Christ ne semble pas atteint par les coups portés dont aucune trace n’est d’ailleurs visible. Le perizionum, véritable au morceau de bravoure, est comme une signature de l’artiste, marquant le passage entre la période romaine et les années napolitaines. 

 

Nous remercions le professeur Nicola Spinosa pour avoir confirmé l’attribution à Ribera de cette œuvre, sur photographie numérique, le 13 mars 2025.

 

Un carrière exceptionnelle à Naples

Jusepe de Ribera est le peintre qui domine la scène artistique napolitaine du 17e siècle. Dès son arrivée dans cette ville, il s’impose, soutenu par les élites locales, dont le vice-roi espagnol le comte d’Osuna, mais recevant aussi des commandes de son pays natal. Partant d'un réalisme caravagesque très personnel, il évolue en assimilant les innovations de la peinture romaine et vénitienne, aboutissant, trente ans plus tard, à un éclaircissement de sa palette. Il intègre les évolutions du courant baroque tout en restant fidèle à son naturalisme de jeunesse. Il a réalisé de nombreux retables de grands formats pour les églises de Naples, de tableaux de dévotions pour les amateurs et collectionneurs, des sujets tirés de l’Antiquité ou de la Littérature (portraits de philosophes, sujets mythologiques…), des tableaux picaresques et burlesques comme Le Pied Bot (Musée du Louvre) ou La Femme à barbe (Musée du Prado) et même deux paysages et une nature morte montrant la variété de sa production. La caractérisation psychologique des personnages est toujours insérée dans des compositions d’une grande monumentalité, soutenu par un style graphique et une lumière chaude dorée qui fait ressortir les figures.Ses peintures sont conservées dans la plupart des grands musées internationaux d'art européen.

[1] Nicola Spinosa, Ribera. La obra completa, Madrid, Fundaciòn Arte Hispanico, 2008, p. 499, C-8

[2] Annick Lemoine, Maïté Metz, Ribera Ténèbres et Lumière, cat. exp (4 novembre-23 février 2025), Paris, Flammarion, 2024.

[3] L'Ecce Homo de Caravage (Icon Trust), récemment retrouvé, a aussi une provenance napolitaine.

[4] Expo op. cit, note 2, p.150-151, Cat.25 - Spinosa, op. cit., p.345, A73.