Mardi 02 déc. 2025 - DAGUERRE - Paris
Henri MARTIN (Toulouse, 1860 - Labastide-du Vert, 1943)
Portrait d'Adeline Martin, la soeur de l'artiste
Toile et châssis d'origine
81 x 65 cm
Signé, dédicacé et daté en haut à gauche 'A ma chère sœur Adeline / Henri Martin / 87'
Estimation : 60 000 - 80 000 €
Provenance :
Offert directement par l'artiste à sa sœur Adeline Martin Dupech
Par descendance, collection de Jean Dupech, Carcassonne en 1935
Collection Particulière
Bibliographie :
Claude Juskiewenski, Henri Martin paysagiste et décorateur languedocien, Toulouse, 1974, thèse, volume 2, p. 36: "Il doit s'agir d'un très beau portrait d'une femme en tenue de soirée portrait de belle couleur vu par M. Mésplé et par la chanoine Sarraute et conservé par un petit neveu d'Henri Martin".
Expositions :
Henri Martin, Paris, Petit Palais, 1935, catalogue no 10.
Henri Martin, 1860-1943, Etudes et peintures de chevalet, Toulouse, Palais des Arts, février-mars 1983, Paris, mairie annexe du 5e arrondissement, avril-mai 1983, catalogue no 9.
Henri Martin, 1860-1943, Cahors, musée Henri Martin, Toulouse, musée du Capitole, 14 septembre - 29 octobre 1993, n° 18.
Henri Martin, 1860-1943, Hellerup, Oregaard Museum, 12 septembre - 17 décembre 1995, no 4
Né dans une famille modeste qui le destine à une formation de drapier, Henri Martin intègre l’École des Beaux-Arts de Toulouse à 17 ans, où il suit l’enseignement de Jules Garipuy. Il se lie d’amitié avec certains élèves dont Henri Marre, qui sera l’élève de Cabanel, ainsi que le sculpteur Jean Rivière. En 1879, grâce à l’obtention d’une bourse municipale, il poursuit ses études à l’École des Beaux-Arts de Paris, dans l’atelier de son compatriote Jean-Paul Laurens et expose au Salon des artistes français dès 1880. À partir de 1884, Martin commence peu à peu à s’émanciper du style académique et explore le symbolisme. Durant ces années, il se rapproche de l’ordre de la Rose-Croix et fréquente l’écrivain Joséphin Péladan dit Le Sâr Péladan, Edmond Aman-Jean ou Ernest Laurent. Il adopte le style néo-impressionnisme dès 1887, et l’année 1889 marque un tournant décisif, sa touche pointillée provoquant alors le scandale parmi ses contemporains.
Notre Portrait d’Adeline Martin constitue un témoin précoce de ce changement opéré par le peintre vers le style qui le caractérise et peut être perçu comme l’une de ses premières incursions hors des conventions établies. Henri Martin expérimente différentes techniques selon les parties du tableau. Les ombres sur la robe et certaines parties du sol sont traitées en traits anguleux et entrecroisés, appliqués à la brosse et au couteau, tandis que le visage est peint d’une pâte très fluide et en délicates touches en virgule. On peut retrouver cette facture dans d’autres toiles de la même période, comme Enfant embrassant sa mère (1886-1887, localisation inconnue) ou encore Etude pour Jeune fille à travers les champs une fleur à la main (1888-1889, collection particulière). Dans notre œuvre, certains détails sont peints avec un réalisme lumineux, tandis que le chatoiement de la robe ou des napperons est décrit en large coups de pinceau libres et modernes, destinés à être vus avec un peu de distance afin que l’image prenne forme.
L’artiste crée un équilibre chromatique par l’utilisation d’une palette froide, contrebalancée par le rouge intense de l’éventail ouvert. Un vert complémentaire s’invite dans la composition, subtilement raccordé au rouge par l’intermédiaire du blanc de la robe. Il passe dans la toile un souvenir du Portrait de la mère de Whistler (1871, Musée d’Orsay) mais aussi de ceux d’Eva Gonzalez et Berthe Morisot par Manet. Enfin, tandis que l’angle formé par le fond de la pièce évoque les cadrages caractéristiques de Degas, la structure générale du tableau, marquée par les angles saillants de la pièce, de l’éventail et de la robe, se voit contrebalancée par les courbes douces du divan.
Cette toile, offerte par le peintre à sa sœur, illustre une étape dans le parcours artistique d’Henri Martin. L’importance qu’il lui accordait transparaît dans le fait qu’il choisit de l’exposer lors de sa rétrospective au Petit Palais de Paris en 1935.