Samedi 08 nov. 2025 - HÔTEL DES VENTES DE GRASSE - Grasse

Ecole de Sicile fin XIVe-début XVe siècle

CROIX PROCESSIONNELLE DOUBLE-FACE

Peinture à l’oeuf et fond d’or sur panneaux de bois de forme chantournée, extrémités trilobées

44.5 x 39 cm

Estimation : 8 000 - 10 000 €

 

Recto : Le Christ en croix, aux extrémités latérales: la Vierge et saint Jean l’évangéliste

Au sommet : le Christ pantocrator

Verso : idem

Au sommet : un ange

A la base : Dieu le Père

 

ETAT

Menuiserie : accidents visibles affectant la moulure du cadre et une partie du fond d’or

Surface picturale : usures, restaurations principalement dans les chevelures et quelques visages ; fond d’or en partie repeint

Cette croix de petites dimensions, peinte sur ses deux faces, était conçue comme un objet de dévotion portatif, dont témoigne encore, à la partie inférieure, l’entourage cerclé de fer destiné à recevoir la hampe pour la maintenir. Cet objet est lié aux confréries apparues à la fin du XIIIᵉ siècle dans le contexte de l’essor communal. Sous l’impulsion des ordres mendiants, notamment franciscains, ces croix peintes sur bois – parallèles aux modèles en métal – coexistaient avec les grandes croix monumentales. Leur production décline en Italie à la fin du XIVᵉ siècle mais se poursuit en Sicile au XVe siècle, avec une typologie spécifique.

En Sicile, la production reflète les influences culturelles successives liées à la politique etle dynamisme commercial des ports (Pise, Gênes, Venise) favorise la circulation des artistes entre la péninsule et l’ile. Aux XIIIᵉ et XIVᵉ siècles, les modèles artistiques pisans ou lucquois d’influence byzantine dominent puis cèdent à l’esthétique gothique introduite par des peintres venus d’Italie centrale (Florence, Sienne). Palerme et Messine constituent les principaux foyers de création, associant artistes locaux et maîtres toscans.

Au XVe siècle, les croix processionnelles siciliennes présentent traditionnellement au recto le Christ crucifié entouré de la Vierge et de saint Jean, surmonté de Dieu le Père et accompagné à la base du crâne d’Adam ou d’un saint (souvent François). Au verso figurent généralement le Ressuscité triomphant de la mort, entouré des évangélistes ou de leurs symboles, du pélican eucharistique et d’un saint ou d’un ange au registre inférieur.

Contrairement à cette iconographie courante, la croix étudiée représente le Crucifié sur ses deux faces. L’artiste bouscule le schéma traditionnel en plaçant au recto Dieu le père à la base de la croix, le Christ pantocrator byzantin au sommet et répète au verso l’iconographie du recto à l’exception de l’ange qui prend place au sommet. Due à un artiste anonyme, cette oeuvre témoigne encore, à la fin du XIVe siècle, d’un dialogue complexe entre influences toscanes et traditions siciliennes.

Ainsi reconnaît-on le modèle de la croix processionnelle du siennois Lucca di Tommè, datée après 1350 et conservée à Cambridge, (Mass) (fig.1) dans la structure trilobée et dans les accents des figures de la Vierge et de saint Jean alors que le Christ, au corps rigide et élancé, s’inscrit pleinement dans l’esthétique sicilienne privilégiant une représentation sobre et apaisée du Crucifié, proche du crucifix en bois du Museo Regionale de Messine. (fig.2)

La figure hiératique de Dieu le Père, vieillard barbu aux longs cheveux, est un empreint au schéma iconographique diffusé dans les « Trinité » insulaires d’inspiration toscane. On en retrouve un écho dans la lunette de l’Annonciation et d’une Trinité entourée d’anges (Palerme, Palazzo Abatellis) (fig. 3), œuvre d’un peintre sicilien marqué par l’influence de Barnaba da Modena à la fin du XIVᵉ siècle.