Samedi 23 nov. 2024 - BRISCADIEU BORDEAUX - Bordeaux
Ecole CATALANE vers 1435, entourage de Joan MATES
Le Christ en Croix entre la Vierge et saint Jean l'Evangéliste
Panneau de pin, deux planches, renforcé. Panneau de retable. Peinture à l’œuf et fond d’or sur panneau de pin rectangulaire, avec arcade en plein cintre inscrivant une arcade en bois doré polylobée
83.5 x 48.5 cm
Porte une inscription récente au revers de la traverse : "provençal : avignon" ; porte une ancienne attribution à Enguerand Quarton
Restaurations anciennes
Restaurations anciennes, soulèvements et manques
Sans cadre
Estimation : 8 000 - 12 000 €
La Vierge et saint Jean se tiennent debout de part et d’autre de la croix du supplicié plantée au centre d’une prairie verdoyante et ancrée dans une solide roche. La Vierge, le visage à demi caché par son ample manteau noir, penche la tête et écarte les bras en signe d’affliction. Saint Jean, les cheveux courts et bouclés regarde le Christ. Il est vêtu d’une robe bleue désormais noircie, que recouvre une longue cape rouge. Il lève la main droite, tandis que de l’autre, il tient le livre sacré et un pan de sa cape. Un sentiment de douleur contenue émane de sa bouche entr’ouverte et de ses yeux larmoyants.
Le Christ crucifié se tient droit sur la croix, vêtu du seul perizonium couvrant sa nudité, les pieds joints reposant sur le suppedaneum, percés, tout comme ses mains, d’un seul clou noir. De ces blessures, ainsi que de la plaie costale et de la tête couronnée d’épines, s’écoulent d’importants jets de sang. Le visage barbu, les yeux clos et la bouche légèrement ouverte laissant entrevoir ses dents, il porte les stigmates de la souffrance. Les trois personnages ont la tête auréolée.
Ce panneau, jusqu’alors inédit, constitue probablement l’élément central supérieur d’un retable, comme en témoignent les traces d’anciennes traverses au revers. Sa réalisation dut intervenir dans la région de Catalogne. Le réalisme des protagonistes rappelle celui que Lluis Borrassa – actif à Gérone et Barcelone vers 1360 à 1425 et premier représentant du style gothique international en Espagne - déploie dans ses œuvres de maturité, particulièrement illustrée par la vierge éplorée de la prédelle du retable de Manresa (1410)[1]. A la tête d’un important atelier, Borrassa forma des aides et des disciples, parmi lesquels Joan Mates (ex maître de Peñafel) qui travailla principalement à Barcelone de 1391 à 1431, fut l’un des plus proches.
En comparant notre panneau à l’un des principaux retables de Joan Mates, celui dédié aux deux saints Jean[2] daté vers 1420/1425, on remarquera les similitudes de la modénature de l’arcade et du traitement des auréoles, l’aspect hirsute des chevelures, le dessin anguleux des visages aux nez retroussés’ -illustré par le chef de saint Jean Baptiste présenté par Salomé dans le Festin d’Hérode[3] (fig.1) ou les visages expressifs des deux condamnés, morts après avoir absorbé le breuvage empoisonné que saint Jean l’évangéliste s’apprête à boire[4]-. Quant au Christ, nous en retrouvons l’exacte reproduction dans la prédelle attribuée à l’un des suiveurs de Mates représentant le Christ au Tombeau soutenu par un ange (Barcelone, collection particulière) (fig. 2)[5]. La maigreur du corps, la musculature décharnée, les traits creusés du visage, la bouche entr’ouverte, sont autant de caractères que partagent les deux œuvres, suggérant l’utilisation d’un modèle commun.
Située vers les années 1420/1430-35, cette prédelle fournit une datation similaire pour notre panneau, dont l’exécution un peu plus tardive est réalisée par une main différente. En effet, le style linéaire et fluide des draperies, typique de la manière de Mates, est ici abandonné au profit d’une plasticité et d’une rigidité plus marquées.