Tuesday 26 Nov 2024 - DAGUERRE - Paris
Jean-Claude Richard, abbé de SAINT-NON (Paris, 1727 - 1791)
La fuite en Egypte, d'après Fragonard
Toile ovale
55 x 44.5 cm
<p>Signé en bas et daté <i>1777</i></p>
Estimate : 3 000 - 4 000 €
Provenance:
- Probablement cité dans l'inventaire après-décès de Jean-Claude Richard de Saint-Non dressé par Me Giard, notaire, les 21-28 janvier et 3, 8, 15 février 1792 (étude de Me Tollu, rue St-Lazare, texte collationné en 1925), probablement à l'entrée 42-49 : "[…] Un tableau ovale sur toile, sujet de Saint Famille, par M. de St Non d’après Fragonard." (publié dans : G. Wildenstein, "L'abbé de Saint-Non : artiste et mécène", Gazette des Beaux-Arts, novembre 1959, pp. 225-244)
Fils
d’un receveur général des finances pour la généralité de Tours, l’abbé Claude
Richard de Saint-Non (1727-1791) se destine d’abord à une carrière dans la
magistrature. Toutefois, profitant des scandales qui frappent le Parlement dans
les années 1750, il se tourne vers les arts. Saint-Non évolue depuis toujours
dans un milieu de collectionneurs et d’artistes à Paris, notamment aux côtés de
son oncle Jean Boullongne et de son cousin Jacques Boullongne, ainsi que des
Roslin, des Watelet, de Jean-Baptiste Le Prince, de La Live de Jully et du
comte de Caylus, qui deviendra un ami proche. Revendiquant son statut
d’aquafortiste, Saint-Non exécute ses premières œuvres d’après François
Boucher, dont il fréquente l’atelier, avant de poursuivre sa formation chez
Jean-Georges Wille (1715-1808) à Paris. Après sa démission du Parlement en
1758, il est nommé abbé de Pothières, près de Châtillon-sur-Seine. L’année
suivante, il part en Italie pour accomplir son Grand Tour. À son arrivée à
Rome, en novembre 1759, Saint-Non se voit confier Hubert Robert en tant
qu’élève par Natoire, alors directeur de l’Académie de France à Rome. C’était
une pratique courante à l’époque pour les amateurs et mécènes qui se rendaient
en Italie afin de parfaire leur culture. Ils logent à la villa d’Este, où
Saint-Non fait la connaissance de Jean-Honoré Fragonard. Il réussit à persuader
ce dernier de l’accompagner à travers les églises, musées et collections
particulières italiennes, et de réaliser pour lui une cinquantaine de dessins
aboutis, qui seront gravés à l’aquatinte et publiés par Saint-Non en 1770-1771. C’est
le début d’une relation amicale entre les deux hommes : Saint-Non devient l’un
des principaux soutiens et protecteurs de Fragonard, le finançant et acquérant
ses peintures et dessins. Il fut également l’un des premiers à reconnaître le
talent de Fragonard. Leur amitié perdurera jusqu’à la mort de Saint-Non.
Fragonard, pour sa part, contribue à l’amélioration des techniques picturales
et graphiques de Saint-Non (Georges Wildenstein, "L'abbé de Saint-Non :
artiste et mécène", Gazette des Beaux-Arts, novembre 1959, pp.
225-244). Ensemble, ils poursuivent leurs explorations artistiques lors d’un
long périple qui les conduit à Naples, Bologne et Venise. De retour à Paris en
1762, Saint-Non s’attelle à la gravure des œuvres de Robert et Fragonard qu’il
a rapportées d’Italie. C’est probablement à cette époque qu’il commence à
réaliser des copies peintes des œuvres de son ami Fragonard.
Une
mention dans l’inventaire après-décès de Jean-Claude Richard de Saint-Non,
dressé par Me Giard, fait état d’« un tableau ovale sur toile, sujet de Sainte
Famille, par M. de St Non d’après Fragonard » (inventaire publié dans G.
Wildenstein, ibid.). Il s'agit probablement du présent tableau, signé et
daté 1777, intitulé Le Repos pendant la fuite en Égypte ou Le Repos
de la Sainte Famille. La composition est inspirée d'un tableau éponyme de
Fragonard, dont deux versions ovales sont conservées respectivement au
Baltimore Museum of Art (inv. 1938.182) et à la Yale University Art Gallery de
New Haven (inv. ILE1973.8.1). Selon
Jean-Pierre Cuzin, les toiles de New Haven et de Baltimore seraient des
versions réduites d'un grand format conservé au Musée des Beaux-Arts de Troyes
(inv. 53.3) (Jean-Pierre Cuzin, Jean-Honoré Fragonard, Vie et œuvre.
Catalogue complet des peintures, Office du Livre, Fribourg ; Éditions Vilo,
Paris, p. 178, p. 320, cat. 315-317). Il est très probable que Saint-Non ait
pris pour modèle la version de New Haven, dont les dimensions (55 x 45 cm)
correspondent exactement à celles de notre tableau.
Outre son intérêt artistique, le tableau de Saint-Non revêt une importance documentaire notable, car il éclaire la datation de la composition de Fragonard, qui faisait l'objet de débats jusqu'alors. La date de 1777 appuie l’hypothèse avancée par J.-P. Cuzin et P. Rosenberg, selon laquelle l'œuvre originale de Fragonard aurait été créée vers 1775-1776 (J.-P. Cuzin, op. cit., p. 178 ; P. Rosenberg, Tout l’œuvre peint. Fragonard, Flammarion, Paris, 1989, p. 113, n° 366-368 ; P. Rosenberg, Fragonard, catalogue de l’exposition au Grand Palais, 1987, p. 468), et non en 1752, comme l’avait suggéré précédemment G. Wildenstein (G. Wildenstein, The Paintings of Fragonard, Paris, Phaidon, 1960, p. 194-197, n° 22-24).