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Lorenzo GASTALDI (Triora -Ligurie - 1625 -1690)
Combat d'indiens d'Amérique
Toile
98 x 195 cm
Signé et daté en bas à gauche 'Laurentius Gastaldus / Pinx / 1664'
Estimation : 6 000 - 8 000 €
Lorenzo Gastadi est le peintre le plus important de l'Ouest de la Ligurie au milieu du 17e siècle. Il est très actif dans les vallées piémontaises, où les églises conservent plusieurs retables et des grands formats signés de lui. Il entre au service d'Honoré II Grimaldi en 1651. Sa présence sur le Rocher est bien documentée dans les inventaires du palais princier (1), qui conserve à l'époque une vingtaine de tableaux religieux de sa main. En 1664, il est chargé de l'inventaire de succession d'Honoré II pour expertiser tous les tableaux qui y sont conservés. Il semble qu'il installe ensuite à Nice où il conçoit les décors pour l'entrée de Charles-Emmanuel II de Savoie. Une petite monographie lui a été consacrée au musée de Triora en 1991 (2).
Le sujet de notre tableau possède un caractère unique dans l'œuvre connu de Gastaldi, et même il parait inhabituel dans la peinture de l'époque. Il représente une vision imaginée d'un combat d'indiens en Amérique que l'on reconnaît par leurs coiffes en plumes sur la tête, leur peau rouge et la présence d'un lézard exotique à droite. L'artiste conçoit sa composition à partir de gravures représentant des combats d'hommes nus telles que celles d'Antonio Pollaiuolo ou de Johannes Stradamus sur lesquelles il plaque des détails amérindiens. Surtout, il s'inspire des illustrations du 16 siècle de livres d'expéditions au Brésil : Singularitez de la France antarctique de André Thevet (1557-1558), de Théodore de Bry dans Americana Tertia et du journal de Jean de Léry, Histoire d’un voyage en terre de Brésil autrement dite Amérique (1578- cinquième édition 1611). (3). Par exemple, au centre la figure de l'homme aux bras arqués tenant une flèche; celui sous lui rampant au sol ainsi qu'un autre mordant un ennemi sont littéralement repris de la gravure du chapître XXXVIII de la publication de Thevet "Comme ces Saunages font guerre les uns contre les autres, et principalement contre ceux qu'ils nomment Matgageas et Thabaiares, et d'un arbre qu'ils appellent Hayri, duquel ils font leurs bastons de guerre", image reproduite aussi dans celle de Léry. Certains personnages semblent inspirés de représentations de démons comme les deux hommes qui possèdent des cornes sur la tête, et les guerriers qui se mordent rappellent la violence des scènes médiévales de l'Enfer.
Notre toile, supposée décrire la férocité des peuples lointains, parait destinée à frapper le spectateur. Elle propose une vision dépaysante propre à effarer et à épouvanter le spectateur, ce qui dans le contexte du 17e siècle, constituerait une commande très originale. Son statut nous interroge. L'artiste en 1664 est momentanément sans mécène. Peut-on supposer qu'il s'agit d'une peinture destinée à montrer son talent et ses ambitions de peintre d'histoire, maitrisant l'anatomie, une sorte d'enseigne d’atelier pour établir sa réputation au moment où il quitte Monaco et commence une nouvelle carrière à Nice ?
(1) Léon-Honoré Labande, Inventaires du Palais de Monaco, 1604-1731: Publiés avec une introduction sur l'histoire du palais depuis la fin du XVe siècle, les collections qui y furent conservées et les artistes qui y travaillèrent, Palais de Monaco, Imprimerie de Monaco, 1918.
(2) Gianni Bozzo, Giovanni Battista e Lorenzo Gastaldi, pittori trioresi del XVII secolo, Triora, 1991.
(3) on consultera avec profit Grégory Wallerick, La représentation du Brésil et de ses habitants dans l’Europe de la fin du XVIe siècle - A representação do Brasil e dos seus habitantes na Europa no fim século XVI, revue Confins, n°8, mis en ligne le 11 mars 2010 ( https://doi.org/10.4000/confins.6279 ).