Turquin

Provenance :

Collection de la comtesse Lehon, en 1855 (selon les livrets de Salon). Issue d'une famille de banquiers belges, Fanny Mosselman (1808-1880) épousa le comte Lehon en 1833. Elle est surtout connue pour avoir été la maîtresse attitrée de Charles de Morny pendant un quart de siècle. Fils d'Hortense de Beauharnais et demi-frère de l'empereur Napoléon III, le duc de Morny était un des principaux personnages de l'état et un collectionneur de premier plan sous le Second Empire. La comtesse Lehon tenait un salon dans son hôtel particulier de la Chaussée d'Antin, empli d'oeuvres d'art de diverses époques.

Exposition :
- La Fileuse Salon de 1842, n° 1201 ("Chiaruccia" , selon les indications du livret de Salon de 1855) ; Salon de 1855, n° 3564 ("Fileuse", appartient à Mme la comtesse Lehon). - La Vanneuse Salon de 1845, n° 1038 ("Vanneuse des marais Pontins") ; Salon de 1855, n° 3565 ("Vanneuse", appartient à Mme la comtesse Lehon).

La Fileuse est signée, localisée et datée en bas à droite "RUDOLPH. LEHMANN / ROME 1841" 
La Vanneuse est signée, localisée et datée en bas à droite "RUDOLPH.LEHMANN. / ROM. 1843" 
Les deux tableaux portent des inscriptions au revers "Vanneuse n° 4 Rodolphe Lehmann" ; "Rodolphe Lehmann n° 3 Fileuse".

Les tableaux inspirés par les jolies paysannes du Latium constituent presque un genre en lui-même dans la peinture du 19e siècle et étaient très recherchés par les collectionneurs. Initiée par Bartolomeo Pinelli, Léopold Robert, Joseph-François Navez, Jean-Victor Schnetz et Guillaume Bodinier dans les années 1820, cette veine se poursuivit un peu après nos toiles avec Gérôme, Cabanel, Hébert, ou encore Degas. Ici, l'artiste se montre très proche de son frère ainé de cinq ans, Henri Lehman (1814 - 1882), par exemple sa Mariuccia de 1841 (Montpellier, musée Fabre). En ce début des années 1840, durant leurs séjours à Rome, tous deux retrouvent leur ancien maître Ingres, devenu directeur de l'Académie de France à la villa Médicis. Rudolph Lehmann représente les jeunes femmes sous le ciel limpide méditerranéen, coiffées de blanc. Leurs costumes traditionnels sont décrits avec finesse et précision, exaltant un nouvel idéal de beauté emprunté à l’Italie moderne et non plus à l’Antiquité. 

À la date de nos tableaux, l'artiste prépare un immense format représentant "Le pape Sixte-Quint bénissant les Marais Pontins" (1846, 262 x 358cm, conservé au Palais des Beaux-Arts de Lille).  Il semble légitime de s'interroger sur le sens symbolique de nos deux pendants. La figure de La Fileuse l'assimile à une parques déroulant le fil de la vie. La Vanneuse semble être une allégorie de l'écoulement de la vie au travers de l'image du blé doré qui tombe comme dans un sablier. L'Italienne qui donne son prénom au premier tableau, "Chiaruccia", est probablement la même que celui du tableau de Cabanel commandé par Bruyas en 1846 et aujourd'hui au musée Fabre de Montpellier (1848). "La petite Claire" était une modèle bien connue des artiste de la Villa Médicis.

Fils du peintre Léo Lehmann, Rudolphe Lehmann débute la peinture avec son père et son frère Henri. Il se forme à travers l'Europe, à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris puis à Rome et enfin au contact d'artistes allemands, le peintre nazaréen Peter von Cornelius et le peintre d'histoire Wilhelm von Kaulbach.