Sunday 22 Jun 2025 - OSENAT FONTAINEBLEAU - Fontainebleau

François André VINCENT (Paris 1746 - 1816)

Allégorie de la libération des esclaves d'Alger par Jérôme Bonaparte

Toile

37.5 x 45.5 cm

<p>Signé et daté en bas à gauche "Vincent / 1806" ; inscriptions autographe au revers de la toile d'origine "Appartenant à Mlle Me Gabrielle / Capet. Vincent. 1806"</p>

en bois et stuc doré

Estimate : 80 000 - 120 000 €

Provenance :

Offert à Marie-Gabrielle Capet par Vincent ;

Vente anonyme, Carcassonne (Me Deleau), 29 mai 2010 (135 000 €) ;

Chez Talabardon et Gautier, Paris, en 2011 ;

Collection Comte et Comtesse Charles-André Colonna Walewski, Genève.


Exposition :

François-André Vincent, Tours, musée des Beaux-Arts, du 18 octobre 2013 au 19 janvier 2014.


Bibliographie :

J.-P. Cuzin, Vincent entre Fragonard et David, Paris, 2013, n° 636 P.


Alors qu'il n'a plus exposé depuis 1801, Vincent présente au Salon de 1806 un grand tableau qui ne figure pas au livret mais qui est décrit par Chaussard : « On vit éclore de son pinceau facile et exercé un tableau charmant, composé de deux figures grandes comme nature, représentant un Enfant qui relève un Esclave ; il est exécuté avec sa vigueur accoutumée" (note 1).  Alors âgé de soixante ans et affaibli par la maladie, François-André Vincent compose moins. Cette toile figure parmi les toutes dernières œuvres que nous lui connaissons et se singularise par le thème abordé.

Notre tableau est une réduction de cette œuvre réalisée pour Jérôme Bonaparte (fig. 1) (note 2) . Le sujet renvoie à la mission confiée en 1805 par Napoléon1er à son jeune frère. Depuis 1802, un accord entre le dey d'Alger et Napoléon protégeait les citoyens des républiques française et italienne, qui ne pouvaient être pris comme esclaves ; ceux de la République de Gênes étaient toujours traités par les pirates selon les habitudes barbaresques. En 1805, l'annexion de Gênes à l'Empire pousse Napoléon à une action d’éclat ; en juillet, lors d'une visite à Gênes, il écrit à Jérôme, à la tête d'une escadre dans le port ligure : « Mon frère [.. .], le but de votre mission est de retirer tous les esclaves, génois, italiens et français, qui se trouvent dans les bagnes d'Alger. » Parti début août, Jérôme rentre triomphalement à Gênes le 31 août avec à son bord deux cent trente et un esclaves rendus à la liberté (note 3). La transaction aura coûté 450 000 francs. En s'engageant dans une politique de rachat d'esclaves, Napoléon suivait la voie ouverte par Louis XIV. Au XVIIIe siècle, l'une des fonctions des chevaliers de Malte avait été de parcourir les côtes d'Afrique pour y racheter les esclaves chrétiens. En 1815, l'amiral Sidney Smith, ancien adversaire de Bonaparte à Saint-Jean d'Acre, fondera à Paris la Société des antipirates, devenue ensuite la Société des chevaliers libérateurs des esclaves blancs en Afrique, destinée à mettre un terme à l’esclavage des victimes de la piraterie dans les états barbaresques.

C'est donc cet événement que célèbre le tableau de Vincent, dont on ignore s'il a été commandé pour être offert à Jérôme ou par Jérôme lui-même. Notre petite toile ne présente pratiquement pas de variantes avec le tableau de Kassel. Les deux personnages, qui se tiennent sur le quai comme sur une scène de théâtre, symbolisent cette libération des esclaves. La scène se déroule à leur retour en Italie, pays dont la plupart de ces hommes étaient originaires. En arrière-plan de la toile, nous découvrons la rade de Gênes et une embarcation qui ramène à terre les prisonniers attendus par leurs familles. La composition du tableau, véritable exvoto, conjugue le langage allégorique et les détails les plus réalistes : les marques des fers sur les chevilles de l'homme, le tatouage sur son avant-bras, l'expression de son visage. La fillette tient une couronne de feuilles de chêne, symbole de puissance et de justice, liée d'un ruban qui, dans le grand tableau de Kassel, porte l'inscription La Riconoscenza a Girolamo Bonaparte (Reconnaissance à Jérôme Bonaparte). Symbolise-t-elle cette reconnaissance ou bien est-elle la fille du prisonnier libéré ? Le petit chien qui accourt figure quant à lui la fidélité que les prisonniers doivent à leur libérateur.

Vincent devait être particulièrement attaché à cette composition pour en avoir gardé cette réduction qu'il a donnée à Marie-Gabrielle Capet, restée auprès de lui après la mort de sa femme, Adélaïde Labille-Guiard.

 

1— P. Chaussard, Le Pausanias français, ou Description du Salon de 1806, 2e éd., Paris, 1808. Voir J.-P. Cuzin, cat. exp. De David à Delacroix. La peinture française de 1774 à 1830, Paris-New-York, 1974-1975, p. 665.

2— Huile sur toile, 159 x 204 cm, signé et daté en bas à gauche Vincent, de l'institut, / de la Légion d'honneur. Paris. 1806, Kassel, Staatliche Museum Kassel, Neue Galerie, inv. Nr. 1875/969, voir P. Rosenberg, cat. exp. Poussin, Watteau, Chardin, David… Peintures françaises dans les collections allemandes, XVIIe-XVIIIe siècle, Paris, Grand Palais, avril-juillet 2005, no 171, pp. 447-448, repr. p. 298.

3— J. Bonaparte, Mémoires et correspondance de Jérôme Bonaparte et de la reine Catherine, Paris, E. Dentu, 1861-1866, 7 vol., t. I, pp. 333-350.