Tuesday 22 Oct 2024 - PICHON & NOUDEL-DENIAU (Azur Enchères) - Cannes
Alexandre ROSLIN (1718 - 1793)
Portrait de Guillaume II Coustou (1716 - 1777)
Toile
92 x 71 cm
<p>Signé et daté à droite: <i>le Chev. Roslin / 1779</i></p><p>Inscriptions sur le cadre </p><p>Etiquette manuscrite au dos :<i> Guillaume Coustou / neveu de Nicolas frere de mon grand oncle Charles / Pierre Coustou Né à Paris le ...1716. Sculpteur du Roi / Chevalier de st Michel mort à Paris le 13 juillet 1777. /</i></p><p><i>Non marié / Note de M Paulin Coustou</i></p>
Petits manques
en bois moulure doré du XIXe portant une inscription
Estimate : 40 000 - 60 000 €
Provenance :
Marie Cecile Coustou (1825-1906) arrière petite fille de Charles Pierre Coustou épouse Gustave Brochant de Villiers (1811-1864) puis par descendance.
Le sculpteur est ici représenté devant la maquette du monument pour le Dauphin et son épouse Marie Josèphe de saxe, commandé en 1766.
Lorsque le Dauphin meurt de la tuberculose, le 20 décembre 1765, la construction d'un monument funéraire ne constitue plus, pour les princes, un droit. Ayant hérité de la piété et de l'esprit dévot de sa mère, Marie Leczinska, Louis de France mentionne dans son testament, sa volonté d'être enterré dans le chœur de la cathédrale de Sens. Soucieux de faire respecter les dernières volontés de son fils, le roi, aidé par la Dauphine, charge son directeur général des bâtiments, le marquis de Marigny, de la réalisation ce projet. Pour le seconder, ce dernier désigne Charles Nicolas Cochin, comme "chargé du détail des arts". Comme tous les processus de création de cette envergure, plusieurs intermédiaires sont requis parmi lesquels un coordinateur de projet, un concepteur, un dessinateur et un sculpteur en charge de la réalisation. Cochin désigné, c'est à lui de choisir qui aura la charge de transposer ses dessins[1] en trois dimensions : Guillaume II Coustou est alors nommé sculpteur. N’étant pas un spécialiste des monuments funéraires, il n’était pas pressenti pour la réalisation de ce monument. Cependant celle-ci lui est confiée en raison de son dévouement pour le roi. Coustou, se voit alors confier, comme apothéose de sa carrière consacrée à la couronne, l'importante commande d'un monument pour le fils du roi. Destiné à un prince s'étant moins distingué par des faits d'armes que par ses qualités morales et intellectuelles, Cochin initie un projet autour de l'exaltation des vertus du Dauphin. Pour l'aider dans cette réalisation il sollicite Diderot. Un choix qui interroge lorsqu'on sait que tout l'oppose au défunt, notamment en termes de piété. Emballé par cette demande, ce dernier se montre prolifique dans les propositions qu'il lui fait. En tout ce ne sont pas moins de cinq ébauches qui lui sont soumises ; toutes caractérisées par le même recours abusif aux allégories[2]. Fort de ces propositions, Cochin s'inspire librement des idées du philosophe tout en veillant à les adapter aux contraintes inhérentes à la sculpture et en préférant le symbole au réel. Ces explorations liminaires permettent à Cochin, une fois ses inspirations mutualisées avec Coustou, d'élaborer avec lui, trois dessins qu'il présente à Marigny pour validation. Le 08 aout 1766 Cochin lui soumet, en complément de ses dessins, deux esquisses réalisées par Coustou. Cette première proposition donne lieu à quelques modifications comme en atteste une lettre de Cochin à Marigny[3]. Deux mois plus tard, le 08 octobre 1766, Marigny annonce à Cochin que sa proposition revisitée est approuvée par le roi. Le 26 octobre 1766, le devis de la commande est soumis à Marigny, précisant le délai de réalisation et son coût. La mort de la Dauphine, le 13 mars 1767, ne bouleverse pas le projet, puisqu'il a toujours été question d'une double sépulture devant célébrer l'amour et la fidélité conjugales. L’aval du roi permet donc à Coustou de passer de la conception à la réalisation du monument, en partie aidé par ses élèves, notamment Pierre Julien et Nicolas François Dupré. En l'espace de trois ans, il réalise un modèle en grand et en plâtre du monument qu'il expose en 1769 dans son atelier. Première étape à laquelle succèdent la livraison du bloc de marbre et le début du travail de sculpture. Le monument est finalement achevé pour le Salon de 1777 avant sa mort le 13 juillet de la même année. Après son exposition, il est démonté à Paris, transporté puis remonté à Sens avant la fin du mois de décembre 1777, sans que le sculpteur puisse l'admirer dans l’écrin pour lequel il a été destiné.
Jeune peintre suédois arrivé en France en 1752, Roslin n’a pu compter que sur son cercle d’amis sculpteurs et peintres pour espérer être reçu à l’Académie royale de peinture et de sculpture. Conscient du double rôle affectif et professionnel crucial qu’ils ont eu, Roslin leur a souvent témoigné sa gratitude à travers les portraits qu’il peignait d’eux. C’est ainsi que deux ans après la mort de Guillaume II Coustou, Roslin décide de peindre son portrait comme un dernier hommage à un ami et à celui qui a été son témoin de mariage en 1759. Peint à l’apogée de sa carrière, en 1779, à un moment où il expose au Salon et où il livre les effigies des frères du roi, ce portrait traduit toute la reconnaissance que notre peintre avait pour celui qui lui a apporté un indéfectible soutien tout au long de sa carrière.
[1] Francois, SOUCHAL, « Le monument
funéraire du dauphin, fils de Louis XV, à la cathédrale de Sens », in
ANTOINE, Michel, BARBICHE, Bernard, Etudes sur l’ancienne France, offertes en
hommage à Michel Antoine, Ecole des Chartres, Paris, 2003, p. 372.
[2] Ibid., p. 370 : « Leur
commun dénominateur est l’abus d’allégories ».
[3] FURCY-RAYNAUD, Marc, Correspondances de
M. de Marigny, t. II, Paris, J.
Schemit, 1904-1905, p. 60-61.