Dimanche 02 févr. 2025 - JEAN EMMANUEL PRUNIER SVV - Louviers

Felice FICHERELLI dit Il Riposo (1605 - 1660)

Le martyre de Sainte Agathe

Toile

131 x 106 cm

Sans cadre

Estimation : 15 000 - 20 000 €

Lorsque le biographe des peintres florentins Filipo Baldinucci consacre une "vite" à son ami Felice Ficherelli, il écrit : "Il cavaliere Serzelli ha di sua mano piu quadri di ottimo gusto, fra quali ... il martirio di S. Agata". On connait une autre version de cette composition (collection privée) (2), mais la nôtre est antérieure (comme le montrent les repentirs) et de meilleure qualité. Les deux personnages principaux sont presque identiques. Sur notre toile, le bourreau tire la chemise de la sainte assise, la dénudant, alors que dans le second, elle est debout et l'avant bras du personnage masculin n'est pas visible. Les variantes concernent aussi le second plan, la réplique ne comportant pas la fenêtre à croisillons, mais une grande ouverture à arcade, et un personnage en plus à droite. Il est possible que cette oeuvre  ait été  conçue en  pendant avec le Martyre de saint Jean-Baptiste (collection privée). Les deux peintures sont de taille similaires, le tortionnaire est représenté de dos, le visage en profil perdu, en culotte froncée et une chemise blanche descendue jusqu'à la taille, dévoilant son dos. Une reprise avec la sainte en buste, isolée et sans les bourreaux, est conservée au musée Magnin à Dijon (toile, 87,5 x 79 cm, inventaire 1938 E 403).

Formé dans l'atelier de Jacopo da Empoli, Felice Ficherelli entra en 1629 à l'Accademia del Disegno de Florence. Il s'inspire de son contemporain Francesco Furini, dont il approfondit la manière ambiguë d’associer des sujets cruels à une atmosphère empreinte de douceur, de piété envers les victimes, teintée d'érotisme (4). La sensualité raffinée de ses  tableaux des décennies 1630 et 1640 , destinées principalement aux cabinets de collectionneurs et d'amateurs, contraste avec le côté plus solennel de ses retables peints pour les églises après 1650. Notre tableau, caractéristique du "Seicento Fiorentino", compte parmi les œuvres les plus remarquables de l’artiste encore en mains privées.

 

Ficherelli  est surtout connu aujourd’hui pour sa Sainte Praxède, parce qu’elle a été copiée par le peintre Johannes Vermeer de Delft (cette reprise est à Tokyo, Musée national de l'art occidental). En observant notre tableau, on comprend l'attrait que Ficherelli a pu exercer sur le maître hollandais, le bleu, le drap blanc et la tache de rouge rappellent la gamme de couleurs que l'on trouve dans ses célèbres scènes d'intérieur.

 (1) Filipo Baldinucci , Notizie dei Professori del Disegno da Ciùmabue in qua,  édition 1772, vol. IV, p.137.

(2) Vente Sotheby's, Florence, 12 mai 1975, n°31)

(3) Arnauld Brejon de Lavergnée, Dijon, musée Magnin. Catalogue des tableaux et dessins italiens (XVe-XIXe siècles), pp. 96-97, n°87)

(4) Comme le faisait à la même époque Guido Cagnacci à Bologne.